mardi 7 mars 2017

Il y a 53 ans, Francis Kwame Nkrumah dit Osageyfo

Il y a 53 ans, Francis Kwame Nkrumah dit Osageyfo , publiér ufctogo.com


Il y a 53 ans, Francis Kwame Nkrumah, l’apôtre de l’unité africaine est renversé par un putsch militaire. Chantre ardent du panafricanisme et de l’unité africaine, ce personnage charismatique a été un véritable mythe. S’il fut l’un des leaders les plus prestigieux du continent, son action, en revanche, soulève des controverses.


Francis Kwame Nkrumah "Osageyfo"
Le matin du 24 février 1966, Accra, la capitale du Ghana, est le théâtre d’opérations militaires. Des bruits de bottes et des rafales d’armes automatiques viennent troubler le silence de manière continue. La population, inquiète, se terre, l’oreille collée aux transistors. D’abord de la musique militaire puis, soudain, peu avant six heures, une voix inhabituelle retentit sur les ondes de la radio nationale. Le speaker demande aux chers auditeurs de ne pas s’éloigner de leur poste pour une communication « très importante ». A six heures, à la place du traditionnel bulletin d’information, un officier annonce la nouvelle du jour, par ce communiqué laconique : « Citoyens du Ghana, je vous informe que les militaires, avec la coopération de la police, se sont emparés du gouvernement du Ghana. Kwame Nkrumah est démis de ses fonctions et le mythe qui l’entoure est brisé à jamais ». Un géant, celui-là même qu’on appelait Osageyfo (le sauveur, le rédempteur), ou encore Africahene (roi de l’Afrique), vient de tomber.
Kwame Nkrumah est né à Nkroful, dans le sud-ouest de la Gold Coast, le 18 septembre 1909. Il fréquente l’école élémentaire de Half Assini et devient, à 16 ans, enseignant stagiaire. De 1926 à 1930, l’Ecole normale d’Achimota, près d’Accra, lui ouvre ses portes. Il y subit l’influence de Kwagyr Aggrey, l’un des premiers pédagogues d’Afrique occidentale, adjoint au principal du collège. Formé aux Etats-Unis, Aggrey parle au jeune homme des actions menées par Booker T. Washington, Marcus Garvey ou William E. B. Du Bois pour défendre, chacun à sa manière, la cause des Noirs.
En 1930, Nkrumah décroche son diplôme d’instituteur. Il enseigne à Elmina, puis est nommé directeur de collège à Axim. C’est durant cette période qu’il fait une rencontre qui va déterminer son évolution : celle d’un journaliste nigérian, Nnamdi Azikiwe. Sorti, lui aussi, des universités américaines, il sera en 1960, le premier président du Nigeria. Installé en Gold Coast, Nnamdi Azikiwe fonde à Accra le quotidien African Morning Post. Disciple des militants afro-américains, le journaliste se bat pour le nationalisme noir. La jeunesse de la Gold Coast l’adore. Conquis, lui aussi, Nkrumah lui parle de son intention d’aller compléter sa formation en Amérique. Azikiwe l’encourage.
En 1935, avec seulement 40 livres sterling en poche, l’enfant de Nkroful arrive aux Etats-Unis et s’inscrit à l’université Lincoln, en Pennsylvanie. Il mène une vie difficile, marquée par les privations. Cela ne l’empêche pas de s’intéresser aux débats politiques. Placé à la tête de l’Association des étudiants africains d’Amérique et du Canada, Nkrumah a déjà une vision panafricaniste du continent. Très actif, il s’occupe avec ses amis d’un journal à parution irrégulière, l’African Interpreter, et fréquente les milieux politiques américains. Il enseigne la philosophie à l’université Lincoln à partir de 1939, puis à celle de Philadelphie. En avril 1944, il participe à la conférence panafricaine de New York. Certains participants, à cette occasion, adressent une demande au gouvernement américain pour qu’il œuvre en faveur de l’indépendance des pays africains, conformément à la charte Atlantique.
Désobéissance civile
Les années américaines de Kwame Nkrumah l’aident à acquérir une solide culture philosophique et politique. Ses fréquentations, notamment le Trinidadien George Padmore, renforcent ses convictions panafricanistes. Même s’il est loin d’être un révolutionnaire, il est influencé par la pensée marxiste. Le Nouveau Monde n’a plus rien à lui apprendre. Un jour de 1945, il débarque à Liverpool, en Angleterre. Le nouvel arrivant compte préparer un doctorat en philosophie dans ce pays dévasté par la Seconde Guerre mondiale. C’est son ami Padmore qui l’accueille à Londres. Nkrumah s’inscrit au Gray’s Inn, en vue d’étudier le droit, à la London School of Economics et à l’université de Londres. Mais il n’aura pas le temps de réaliser ce programme : le militantisme prend le dessus. Et puis Padmore l’associe à l’organisation de la sixième conférence panafricaine de Manchester. C’est un moment important dans le parcours de Nkrumah, cosecrétaire politique de la réunion qui se tient, en octobre 1945, en présence de Du Bois et de la veuve de Marcus Garvey. A la suite de la rencontre de Manchester, une Fédération panafricaine voit le jour. D’autre part, les ressortissants des colonies britanniques d’Afrique occidentale créent le West African National Secretariat (WANS), présidé par le Sierra-Léonais Wallace Johnson, avec Nkrumah comme secrétaire général. Dès 1946, le WANS se prononce pour l’autonomie interne qui doit aboutir à une fédération ouest-africaine, premier pas vers les Etats-Unis d’Afrique. Dans la vision de ces militants, l’idéal serait l’institution d’une Union des républiques socialistes d’Afrique. Un jour, Nkrumah reçoit une lettre d’Accra. Ako Adjei, lui demande de rentrer au pays pour s’occuper du secrétariat général du parti de l’United Gold Coast Convention (UGCC. On lui propose une voiture et un salaire décent. Nkrumah, qui a peur de s’encanailler, hésite. Une seconde lettre, signée J.-B. Danquah, le cerveau de l’UGCC, finit par le convaincre.
En novembre 1947, douze ans après l’avoir quittée, Nkrumah retrouve sa patrie. Mais l’entente avec ses camarades est impossible. En juin 1949, il décide de fonder son propre parti, le Convention People Party (CPP), basé sur la non-violence. Très populaire, Kwame Nkrumah s’impose sur l’échiquier politique. Mais quand il lance, en janvier 1950, une campagne de désobéissance civile, il est arrêté et condamné à trois ans de prison. Cela n’empêche pas le CPP de remporter haut la main les législatives de février 1951. Libéré, son chef est chargé de former le gouvernement de la Gold Coast, dominion britannique. Le 6 mars 1957, le Premier ministre Kwame Nkrumah proclame l’indépendance d’un nouvel Etat, le Ghana, nom d’un ancien empire ouest-africain. C’est la première colonie d’Afrique subsaharienne à obtenir son indépendance. Le prestige de Nkrumah n’a pas d’égal. Il lui reste à mettre en œuvre le panafricanisme. L’occasion se présente en octobre 1958. La Guinée rompt brutalement avec la France et accède à l’indépendance. Le 23 novembre 1958, Kwame Nkrumah et Ahmed Sékou Touré annoncent, à Accra, l’union Ghana-Guinée. Le leader guinéen reçoit un chèque de 10 millions de livres sterling. En décembre, la première conférence des peuples africains est organisée dans la capitale ghanéenne. Les principaux dirigeants de l’Afrique francophone sont absents. La conférence met l’accent sur la nécessité d’ériger cinq fédérations sous-régionales, avant la naissance des Etats-Unis d’Afrique.
En 1960, le Ghana devient une République. Mais l’union avec la Guinée a fait long feu. Nkrumah ne renonce pas. A la fin de l’année, il crée une nouvelle union, avec le Malien Modibo Keita. La Guinée les rejoint. Une fois de plus, cela ne tient pas la route. Il en sera toujours ainsi. Le Ghanéen est loin de ses rêves panafricanistes. Même quand il envoie ses soldats à Léopoldville pour soutenir Patrice Lumumba en difficulté, il ne peut pas agir en dehors de la mission confiée aux Casques bleus de l’Organisation des Nations unies (Onu).
Président à vie
Le problème de Nkrumah, c’est qu’il dérange beaucoup ses pairs. Quand il propose d’instaurer sans délai un gouvernement continental, les autres chefs d’Etat voient en lui un rêveur qui se prend pour un messie et veut dominer tout le monde. Il irrite des francophones - notamment Houphouët-Boigny, Senghor - et des anglophones à l’instar des Nigérians Nnamdi Azikiwa et Abubakar Tafawa Balewa. Ses adversaires lui reprochent surtout d’avoir des visées territoriales sur le Togo, la Côte d’Ivoire et de soutenir ceux qui combattent les pouvoirs en place dans certains pays. Parmi eux, le cas le plus célèbre est celui du Nigérien Djibo Bakary.
Dans ces conditions, même s’il a épousé une Egyptienne, Nkrumah n’est pas pris au sérieux. Sa lutte contre l’impérialisme, qui passe par la détérioration des relations avec les pays occidentaux au profit de l’Union soviétique, n’arrange rien. Les services secrets américains n’hésiteront pas à soutenir ses opposants.
C’est d’autant plus facile que Kwame Nkrumah, après avoir muselé l’opposition et arrêté ses dirigeants, institue un parti unique avant de se faire proclamer président à vie. Il échappe à plusieurs attentats. Renversé donc le 24 février 1966, alors qu’il était en visite en Asie, le chantre du panafricanisme trouve refuge à Conakry. Sékou Touré le nomme, à titre symbolique, vice-président de Guinée. Rongé par un cancer, l’Osageyfo Nkrumah meurt à Bucarest, en Roumanie, en avril 1972. Il repose dans sa terre natale à Nkroful.

Konate 
Sery
 Borya 
Activiste panafricanisme 

la stature d’un homme entré vivant dans l’Histoire et la légende. Pa Augustno Ezéchiel de Souza, compte au nombre des patriotes togolais qui ont eu le courage d’affronter le colonisateur à visage découvert afin de permettre l’entrée du Togo dans la communauté des nations.

Pa Augustino Ezéchiel de Souza :la stature d’un homme entré vivant dans l’Histoire et la légende. Pa Augustno Ezéchiel de Souza, compte au nombre des patriotes togolais qui ont eu le courage d’affronter le colonisateur à visage découvert afin de permettre l’entrée du Togo dans la communauté des nations.

Au-dessus des passions, nul ne saura nier au commerçant- planteur, féru de politique, la stature d’un homme entré vivant dans l’Histoire et la légende. Pa Augustno Ezéchiel de Souza, compte au nombre des patriotes togolais qui ont eu le courage d’affronter le colonisateur à visage découvert afin de permettre l’entrée du Togo dans la communauté des nations.
La connaissance du passé national, a pu écrire le Professeur Hermann Attignon, permet au citoyen de mieux se situer dans le temps et dans l’espace, dans l’Histoire de l’Humanité en marche vers un avenir meilleur et de mieux prendre conscience de ses responsabilités. C’est dire donc que lorsqu’on évoque devant les jeunes Togolais, le souvenir de Pa Augustino Ezéchiel de Souza, cela se résume à l’avenue qui part du siège de la Cour constitutionnelle à Lomé, près de l’hôtel de la
Paix pour aboutir au delà de la lagune de sinistre réputation. L’histoire étant la science des traces, tout citoyen togolais digne de ce nom, a pour devoir de connaître celle de sa patrie, afin de savoir apprécier les sacrifices consentis par ses aînés, ses prédécesseurs pour allumer le flambeau de l’indépendance, peut-être s’évertuerait-il davantage à le sauvegarder.
Fils de Ezéchiel Manuel dit « Chacha », l’ancêtre des de Souza, venu du Brésil et de Kokoè Apéto Ayi d’Almeida, Pa Augustino de Souza a vu le jour 15 octobre 1877 à Agbodrafo (Porto -Seguro). Pour ses études, il a successivement fréquenté les écoles allemandes et anglaises dans sa ville natale et à Aného ( Petit- Popo).
Pour son entrée dans la vie active, il a été d’abord maître-catéchiste notamment à Togoville et Aného. Entré par la suite dans l’administration, il sert successivement en qualité d’agent interprète et de commis des Travaux publics à Sansanné-Mango, actuel chef-lieu de la préfecture de l’Oti dans la région septentrionale du Togo .Puis, il se lança dans le secteur privé, en travaillant comme Chef stock à la Deutsche Togo Gesellchaft (DTG). Quelques années plus tard, il s’installe pour son propre compte en devenant commerçant-planteur au numéro 18 de l’actuelle de l’Eglise à Lomé (Adawlato). Très prospère, il achète par adjudication publique les domaines fonciers allemands numéro 52 et les transforme en plantation de cocotiers. Ce vaste quartier transformé depuis lors en zones d’habitation, reste bien connu des Loméens sous la dénomination de Souzanétimé (Cocoteraie de Souza).
Féru de politique, le commerçant-planteur a utilement œuvré pour l’accession du Togo à l’indépendance. Président du Conseil des Notables aux côtés de Octaviano Olympio, Jacob Adjallé et de Thimoty Agbétsiafan, ce grand argentier, avait pour rôle d’assister le gouverneur dans la gestion des affaires publiques. Membre du Comité de l’Unité Togolaise (CUT) créée dans les années quarante par le gouverneur Montagné, Pa Augustino de Souza dit Gazozo, avait été tour à tour Trésorier général puis Président général jusqu’à sa mort de cette association transformée plus tard en parti politique pour combattre la colonisation.
Initiateur de la lutte anti coloniale, les réunions politiques du CUT se tenaient au domicile du mentor des patriotes togolais. Si Pa Augustino de Souza, a été témoin oculaire du triomphe des partis nationalistes lors des élections /référendum du dimanche 27 avril 1958 organisées et supervisées par les Nations unies, il n’ a pu par contre, assister à la proclamation deux ans plus tard de l’indépendance togolaise.
Hydre à mille têtes qui ne sait que choisir les épis qui portent les meilleures graines, le compagnon de l’indépendance togolaise, est terrassé le 25 avril 1960, deux jours avant les festivités de la proclamation officielle de l’Ablodé ( Liberté). Afin de ne pas engendrer le désarroi au sein du peuple, et éviter la mise en berne du nouveau drapeau national, l’annonce de la terrible et affreuse nouvelle avait été retardée.
Ainsi se résume le parcours d’un homme qui s’est investi pour la cause de son pays, et qui se repose depuis dans un mausolée érigé dans l’une de ses nombreuses concessions en plein cœur de la ville de Lomé. Décédé il y a quarante-quatre ans, le souvenir de l’ancien président du Conseil des Notables, et Grand officier de l’Ordre du Mono, reste vivace dans les mémoires et se conte toujours en guise de légende.
En cette date anniversaire de la proclamation de leur indépendance, les Togolais doivent se remettre en question, pour se demander ce qu’ils ont fait de l’héritage à eux laissé par leurs aînés. Aujourd’hui plus que jamais, plus de quatre décennies, avoir triomphé de la colonisation, ils ont plus que jamais le devoir de s’investir de manière individuelle et collective afin de sauvegarder leur passé. Le développement d’une nation étant une course de relais, et conscients qu’ils sont , ils y puiseront des exemples en vue de faire changer la face des choses et de réussir le vaste chantier de la construction d’un véritable Etat de droit de leur Denyigba, l’Or de l’Humanité.

Konate
Sery
Borya
Activiste panafricanisme 

Sékou Touré : le « non » légendaire

Sékou Touré : le « non » légendaire




Le 26 mars 1984, l’ancien président guinéen, à qui ses innombrables admirateurs ont donné le sobriquet de grand « Syli », s’éteignait dans un hôpital de Cleveland, aux Etats-Unis. Deux décennies après sa mort, si Ahmed Sékou Touré suscite toujours des passions, il reste cependant, dans le débat politique guinéen et africain, une figure controversée.

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« Touré (Sékou), 1922-1984, homme politique guinéen. Un des fondateurs du Rassemblement démocratique africain. Député à l’Assemblée nationale française, il fut le champion du « non » au référendum sur l’institution de la Communauté française organisé par De Gaulle en 1958. Président de la République de Guinée la même année, il établit un système de type socialiste qui glissa très vite vers une sanglante dictature (...) ». Voilà ce que le Grand dictionnaire encyclopédique Hachette dit du premier président guinéen.
Depuis sa disparition de la scène politique africaine, le 26 mars 1984, dans les nombreux ouvrages et articles qui lui sont consacrés, on retient souvent de lui que l’homme du « non » à de Gaulle et le tyran, oubliant qu’il fut aussi l’un des plus virulents défenseurs de la lutte anti-coloniale. Si on lui reconnaît une certaine audace pour s’être opposé à De Gaulle, on lui reproche, par contre, d’avoir instauré un régime dictatorial une fois à la tête de son pays. En tout cas, qu’on l’ait aimé ou pas, Ahmed Sékou Touré a, tout au long de sa vie, soulevé des passions. Diabolisé, il a été traité de communiste, de gauchiste, de totalitaire, et dans le même temps accusé de compromission avec les forces du capitalisme et de l’impérialisme, doctrines qu’il dénonçait. Souvent présenté à travers le prisme déformant des préjugés idéologiques, Sékou Touré a rarement été vu sous l’angle de l’homme, sa vie, sa personnalité, son combat pour l’émancipation de l’Afrique en général, de la Guinée en particulier. Il a plutôt été traité de « vulgaire agitateur politique, relégué au banc de l’infamie, voué aux gémonies ou jeté dans la poubelle de l’histoire »...
Né en 1922 à Faranah, apparenté par sa mère au légendaire Almany Samory Touré, Ahmed Sékou Touré, a été plus enclin à suivre la voie de l’austérité que celle du faste. Après de modestes études primaires et professionnelles, il devient commis aux écritures, puis postier et, enfin, cadre du Trésor. Dès la fin de la guerre, en 1945, il participe à la création de syndicats liés à la CGT française. Il participe au Congrès de Bamako où est créé, en 1946, le Rassemblement démocratique africain (RDA), dont la section guinéenne, le Parti démocratique de Guinée (PDG), voit le jour l’année suivante. Sékou Touré en devient, en 1952, le secrétaire général. Il est député à l’Assemblée nationale française en 1956, maire de Conakry la même année, vice-président du Conseil de gouvernement en 1957, membre du Conseil de l’Afrique occidentale française (AOF) à Dakar...
Syndicaliste, Sékou Touré était convaincu que la lutte de libération nationale était avant tout une lutte économique et sociale. « Le syndicalisme implique une action contre ce qui est contraire à l’intérêt des travailleurs », dira-t-il. Il maîtrisait bien la législation du travail, et s’est souvent opposé aux autorités coloniales qui le redoutaient ; aussi, son « absence du territoire constituait-elle toujours un grand soulagement pour l’administration et les employeurs ». Lorsqu’il fut élu conseiller territorial de Beyla, en 1954, le « Syli » fit montre de ses capacités à diriger les affaires du pays. Mais pour De Gaulle, « Sékou Touré et son équipe n’étaient pas capables de créer un Etat en Guinée ». C’est sans compter avec la détermination du leader guinéen et son poids dans le pays...
« Nous préférons la liberté
dans la pauvreté à la richesse dans l’esclavage »
Le général (De Gaulle) l’apprend à ses dépens lors d’un voyage qu’il effectue en août 1958 à Conakry où il est, non seulement, reçu avec froideur. Pire, une vieille dame soulève sa jupe sur son passage et crache sur sa voiture. De retour à Paris, De Gaulle déclare : « Puisqu’ils veulent l’indépendance, eh bien qu’ils la prennent, mais ils n’auront plus un sou ». La brouille entre les deux hommes est consommée... Le « non » du peuple de Guinée lors du référendum du 28 septembre 1958 a succédé à l’affrontement du 25 août (1958) entre le général et le bouillant leader guinéen. « Il n’y a pas de dignité sans liberté : nous préférons la liberté dans la pauvreté à la richesse dans l’esclavage » est l’une des phrases clés du discours de Sékou Touré, à qui De Gaulle, lassé, répond que « l’indépendance est à la disposition de la Guinée [mais] la France en tirera les conséquences ».
La Guinée devient indépendante le 2 octobre 1958, et Sékou Touré est très vite « mis au coin » par le colonisateur, ainsi que par plusieurs leaders africains, Léopold Sédar Senghor du Sénégal et Félix Houphouët-Boigny de la Côte d’Ivoire. Mais avec vigueur, souvent avec rigueur, Sékou Touré imprime son empreinte d’homme d’Etat sur la Guinée qui, faut-il le rappeler, a obtenu son indépendance dans des conditions très particulières, contrairement aux autres pays francophones. Il convient aussi de souligner que c’est la première fois qu’une colonie se sépare totalement et brutalement de la Métropole. Même si cette séparation a essuyé, par la suite, des représailles systématiques. Peut-être se basant sur ces phrases de l’hymne national de son pays qui disent en substance : « Guinéens, c’est l’unité qui nous a libérés, la Guinée appelle tous ses frères de la grande Afrique à se retrouver », Sékou Touré a aussi donné priorité à l’unité africaine. Ceci s’est matérialisé, par son soutien aux mouvements de libération nationale (avec le coup de pouce à la Guinée Bissau, à l’Angola ; l’aide à la Swapo et au Frelimo), la lutte contre l’impérialisme et au non-alignement.
Subitement, le 26 mars 1984, Sékou Touré mourut, des suites d’une opération cardiaque, aux Etats-Unis. Une semaine plus tard, le 3 avril 1984, l’armée prit les rênes du pouvoir. Parmi les hommes en uniforme ayant opéré ce jour-là un coup d’Etat en évinçant le Premier ministre, Lansana Béavogui, le successeur constitutionnel du grand « Syli » se trouvait un certain Lansana Conté qui, devenu prédateur avec bientôt ses vingt ans passés au pouvoir, use de la répression pour garder son fauteuil. Bien que rongé depuis par un diabète chronique, l’homme ne veut pas passer la main...
Sékou Touré, un dictateur ? Les circonstances ont joué un rôle non négligeable pour qu’il le devienne... Vingt ans après sa mort, l’homme qui a eu l’audace de dire haut « non » à De Gaulle reste encore un héros pour les uns, un tyran pour les autres. Somme toute, l’histoire africaine retiendra qu’Ahmed Sékou Touré fut un homme courageux et rigoureux, un leader syndical incomparable ayant évolué dans un contexte international marqué par l’adversité d’abord dans la lutte pour l’indépendance, et ensuite pour la gestion de l’indépendance contre laquelle l’ancienne métropole n’a cessé d’œuvrer en s’appuyant, comme elle a toujours su le faire, sur des complices extérieurs et intérieurs.
Konate 
Sery 
Borya

W.E.B. Du Bois, le père du panafricanisme

Qui fut cet activiste des droits civiques à classer parmi les Noirs les plus influents du 20e siècle ? Retour ici sur le parcours d’un mulâtre, militant de l’égalité raciale, qui a su porter un intérêt particulier aux Noirs colonisés d’Afrique. Mieux, qui a voué toute sa vie pour l’émancipation des Noirs aux Etats-Unis et dans le reste du monde.


C’est à Great Barrington, un village du Massachusets, Etat de l’est des Etats-Unis, que William Edward Burghardt Du Bois est né le 23 février 1868, cinq ans après l’émancipation des esclaves, dans une famille de la classe moyenne. En 1884, il est le premier enfant de sa couleur à terminer ses études au lycée de Great Barrington. Un an plus tard, il s’inscrit à l’université Fisk de Nashville, dans le Tennessee, réservée aux étudiants noirs. Face à la ségrégation raciale qui sévit dans ce Sud au passé esclavagiste très lourd, Du Bois adopte une attitude digne : au lieu d’appliquer la loi du talion, il préfère s’élever par le savoir afin de contribuer, plus tard, à l’émancipation totale de la communauté noire. Après sa licence, il va, en 1888, étudier la philosophie dans une université prestigieuse : Havard. Il se rend compte d’une chose : ne pas être Blanc à Havard n’est pas drôle. Entre l’arrogance et la soumission, Du Bois a choisi la foi en une culture noire. Il prépare une thèse sur « L’abolition du commerce africain des esclaves vers l’Amérique ». Sa maîtrise obtenue, le jeune homme se trouve, en 1892, à l’université de Berlin, en Allemagne. Une phrase prononcée par l’un de ses professeurs résonnera longtemps dans ses oreilles : « Les mulâtres sont des êtres inférieurs. Ils se sentent eux-mêmes inférieurs ». Revenu dans son pays en 1894, Du Bois est désormais le premier Noir détenteur d’un doctorat. De très loin le Noir le plus instruit des Etats-Unis, il commence une carrière d’enseignant dans diverses universités. Mais sur le plan des idées et du nationalisme noir, le terrain n’est pas vierge ; il est occupé par un homme d’une dimension exceptionnelle : Booker Taliaferro Washington.
Dans ce dix-neuvième siècle finissant, Booker T. Washington est le leader, le maître à penser de la communauté noire. Né esclave en 1856, moins instruit que Du Bois, Washington n’a pourtant rien d’un révolutionnaire pour expliquer son ascendant sur l’Amérique noire. Pour lui, point n’est besoin pour les Noirs de rechercher une quelconque égalité politique avec les Blancs. Ce qu’il faut aux Noirs c’est un métier, une qualification professionnelle, un développement des aptitudes dans le domaine du commerce, de l’agriculture, de la propriété. Tout le reste - formation intellectuelle poussée, combat pour les droits civiques - n’est qu’illusions. Booker T . Washington s’attire de cette façon les bonnes grâces de l’administration, qui finance ses projets et soutient son institut professionnel de Tuskegee, en Alabama. Aux yeux de beaucoup, l’Institut Tuskegee, en dépit du fait qu’il ne forme les Noirs qu’à des métiers manuels, devient un modèle. Washington suit de près les problèmes africains, en particulier les atrocités commises par les agents du roi Léopold II dans l’Etat indépendant du Congo (actuelle RDC). Cette question lui inspirera, en 1905, un article intitulé « Cruauté au Congo ». Réclamant des réformes dans le domaine privé du roi des Belges, il insiste sur le fait que les Américains noirs pourraient jouer un rôle constructif dans le développement de ce pays. Il fera ainsi partie de la Congo Reform Association. Le directeur de l’Institut Tuskegee voyage en Europe pour s’entretenir avec les gens intéressés par la situation de l’Afrique. La situation du Liberia conforte sa théorie, selon laquelle la puissance politique sans une solide base économique et un corps d’artisans qualifiés est préjudiciable au bien-être du groupe. En avril 1912, Booker T. Washington organise à Tuskegee une conférence sur l’Afrique et parle du rôle que pourraient, que devraient jouer les Américains en Afrique en qualité d’enseignants et d’experts en assistance technique. A partir de là, jusqu’à sa mort, en 1915, il tente de développer les affaires commerciales avec l’Afrique, par le biais de l’Africa Union Company.
Une encyclopédie africaine
Mais les intellectuels noirs, plus préoccupés par les droits civiques et une formation poussée que par l’artisanat et la soumission à l’ordre établi, le contestent. Principal opposant : Du Bois. Il reproche à Washington le peu d’importance qu’il attache au droit de vote, son aversion pour les universités noires, son attitude générale qui fait penser qu’il rend les Noirs responsables de leur condition. Jamais, auparavant, personne n’avait osé s’en prendre de la sorte à Washington. Cela coûte cher à Du Bois, professeur à l’université d’Atlanta : aux inimitiés s’ajoute le retrait de crédits pour ses recherches. Mais l’homme a déjà choisi sa voie, celle qui doit aboutir à la libération politique du Noir, où qu’il soit. C’est pourquoi, en 1900, il participe, à Londres, à la toute première conférence panafricaine organisée par l’avocat trinidadien Sylvester-Williams. Le secrétariat de cette conférence, à laquelle participent seulement trente personnes venues d’Angleterre, des Caraïbes et des Etats-Unis, est confié à Du Bois. La réunion de Londres a pour but de protester contre les agissements des colonisateurs sur le continent africain. Ce n’est pas encore le panafricanisme mais le concept est déjà dans les esprits.
Aux Etats-Unis, W.E.B. Du Bois est désormais le chef de file des antibookeristes. La nouvelle génération, à l’attitude plus radicale, le considère comme son porte-parole. Cela aboutit à l’éphémère Mouvement du Niagara, fondé en janvier 1906. Liberté d’expression et de critique, abolition de toutes les distinctions fondées sur la race et la couleur, tels sont, entre autres, les objectifs du mouvement. Mais les adversaires de Du Bois l’attaquent en l’accusant d’envier Washington et d’avoir honte de sa négritude. Quatre ans plus tard, il rejoint la National Association for the Advancement of Colored People [ Association pour le progrès des gens de couleur] (NAACP), où il est nommé directeur des publications et de la recherche. Il s’occupe ainsi de la revue The Crisis, l’organe de la NAACP. Son rôle pour la défense des Noirs devient important. Il a une autre préoccupation fondamentale : la tenue d’un congrès panafricain. Une idée difficile à réaliser. Après avoir vainement frappé à toutes les portes, la chancel lui sourit à Paris, où il rencontre Blaise Diagne, le député du Sénégal à l’Assemblée française. Avec le soutien de Gorges Clemenceau, président du Conseil et ami de Diagne, Du Bois organise le premier congrès panafricain à Paris, en février 1919, cela malgré les pressions exercées par le gouvernement américain. Le panafricanisme vient réellement de naître. Du Bois en est le père. Au prix de mille sacrifices, il parviendra à organiser le deuxième congrès panafricain à Londres, en 1921 ; le troisième à Londres, encore, et à Lisbonne, en 1923 ; le quatrième à New York en 1927. Faute de moyens, le père du panafricanisme est obligé de s’arrêter. Mais ses idées ont déjà séduit beaucoup d’intellectuels africains et antillais. En Angleterre, les Nkrumah, Padmore ou Kenyatta ne jurent que par le panafricanisme. Ils seront, en octobre 1945, à Manchester, les organisateurs du cinquième congrès panafricain, sans doute le plus important de tous. Du Bois est là, comme président d’honneur. Le panafricanisme vient de prendre un tournant décisif.
Au crépuscule de sa vie, Du Bois fera un « retour aux sources ». Il s’installa au Ghana en 1961, année où il adhère au Parti communiste. Devenu citoyen ghanéeen, W.E.B. Du Bois s’occupe de la rédaction d’une encyclopédie africaine. Il mourra à Accra en ... 1963, l’année de la création de l’OUA (Organisation de l’Unité Africaine), transformée en 2001en Union Africaine !
Konate 
Sery 
Borya 
Activiste panafricain 
Seryborya.79@gmail.com
Farafinadhe.blogspot.com

dimanche 5 mars 2017

A qui profite l’Accord de partenariat economique entre l’Afrique de l’Ouest et l’Union europeenne ?

« Le commerce, c’est le développement »1  affirme  la Commission  européenne  à  propos  des  Accords  de  partenariat économique (APE).

Mais l’APE négocié entre l’Afrique de l’Ouest (AO) et l’Union européenne (UE), qui met en  relation  une  des  régions  les  plus  riches  de  la  planète avec une des plus pauvres, est-il vraiment cohérent avec le développement de l’AO ? C’est à cette question que ce document  cherchera  à répondre,  en mettant   l’accent  sur l’agriculture, un secteur clé pour l’AO.

Les APE : de quoi s’agit-il ?

Jusqu’en 2000, dans le cadre des Conventions de Lomé avec  les  pays  d’Afrique,  des  Caraïbes  et  du  Pacifique (ACP),  l’UE  accordait  aux  exportations  d’AO  un  accès presque totalement libre au marché européen, pour contribuer  à  son  développement  grâce  au  commerce.  De  leur côté, les Etats d’AO n’avaient aucune obligation d’offrir ces mêmes avantages à l’UE.

Mais ces préférences commerciales unilatérales sont contraires aux règles de l’OMC adoptée en 1994. L’OMC prévoit, en effet, la possibilité de créer des zones de libreéchange, par exemple entre l’UE et l’AO, ce qui implique que les préférences deviendraient réciproques et que l’AO devrait offrir un traitement préférentiel à l’UE. Cependant, pour maintenir des préférences unilatérales, l’UE aurait pu demander une dérogation à l’OMC, comme elle l’a fait pour la Moldavie car, explique-t-elle : « la Moldavie est le pays le plus pauvre du continent européen (…) et n’a pas la compétitivité nécessaire pour prendre des engagements de réciprocité dans un accord de libreéchange avec l’UE »
2. L’UE refusera d’accorder ce traitement à l’AO.

Cette  décision  de  l’UE  explique  le  contenu  de  l’accord de Cotonou, qui a succédé à celui de Lomé en 2000 et prévoit les négociations d’APE. Initialement, elles devaient
conduire, avant le 31/12/2007, à la création de zones de libre-échange entre l’UE et 6 régions ACP, dont l’AO. En application du principe de réciprocité, l’UE demandait à l’AO d’ouvrir son marché aux produits européens à 80 % sur une période de 15 ans, en échange d’une ouverture du marché européen à 100 % aux produits de l’AO.

 Mais les  règles  de  l’OMC  dans  ce  domaine  permettent  des  interprétations tenant mieux compte des énormes différences de développement entre les partenaires. L’UE aurait pu accepter l’ouverture à 60 % sur 25 ans3, proposée par les pays de l’AO. Elle ne l’a pas fait. Par ailleurs, durant les négociations, l’UE est allée bien au-delà des règles de l’OMC en matière de libéralisation, en ajoutant aux marchandises, des secteurs tels que les services,  les  investissements  et  les  marchés  publics.  L’AO s’est opposée à cela. Elle souhaite conserver sa liberté de protéger ces secteurs de la concurrence de l’UE. En outre, 12 des 16 Etats de l’AO4  appartenant au groupe des Pays les moins avancés (PMA), ils n’ont aucun intérêt à conclure un APE5. Comme il s’agit des pays les plus pauvres de la planète, l’UE leur accorde des préférences commerciales unilatérales dans le cadre du régime « Tout sauf  les armes  », qui  leur  offrent un  libre  accès au  marché de  l’UE,  sans  les  obliger  à  libéraliser  leurs  marchés  vis-àvis des importations européennes.

Cela  explique  pourquoi,  fin  2007,  l’UE  n’a  pas  obtenu d’APE régional, mais seulement le paraphe d’APE intérimaires6  limités au commerce des marchandises, avec deux pays non PMA : la Côte d’Ivoire et le Ghana.

Ces APE  ont  été  paraphés  suite  à  de  fortes  pressions  de l’UE, dénoncées par le Conseil des ministres ACP  7. L’UE avait menacé les ACP non-PMA de leur faire perdre le libre accès au marché européen et de leur appliquer le système généralisé de préférence. Ce système, accordé aux autres Pays en développement non PMA, est certes plus  favorable  que  celui  dont  bénéficient  les  Pays  développés.

  Mais  par  rapport  à  l’APE,  il  rétablit  le  prélèvement de droits de douane sur leurs exportations vers l’UE. Suite au paraphe des APE intérimaires, l’UE a continué à  accorder  à  la  Côte  d’Ivoire  et  au  Ghana  un  libre  accès au marché européen. En revanche, ces pays n’ont pas f inalisé  la  procédure  permettant  à  ces  APE  intérimaires, conclus bilatéralement avec l’UE, d’entrer en vigueur. En effet, les négociations se poursuivaient en vue de parvenir à un accord régional avec l’ensemble de l’AO.

Dans ce cadre, l’UE aurait pu reprendre la proposition des ministres  du  commerce  de  l’Union  africaine8  et  considérer l’AO  comme  une  région  PMA.  L’AO  aurait  ainsi  bénéficié du régime « tout sauf les armes » sans avoir à conclure d’APE.  L’UE  a  préféré  fixer  une  nouvelle  échéance  pour  la f in  des  négociations,  en  menaçant  de  retirer  le  libre  accès au marché européen aux ACP non PMA qui n’auraient pas pris les mesures nécessaires à la mise en œuvre de l’APE avant le 1er  octobre 2014.

L’APE  entre  l’Afrique  de  l’Ouest  et  l’UE  :  où  en  eston ?


Suite à cette menace, les hauts-fonctionnaires Ouest africains  chargés  des  négociations  ont  fini  par  parapher  un APE régional avec l’UE, le 30/06/20149.

L’APE est limité aux marchandises. Il inclut cependant une clause « de rendez-vous » pour les autres sujets, indiquant que « 6 mois après la conclusion10  du présent Accord, les Parties conviennent d’une feuille de route précisant le calendrier et les modalités » des « négociations en vue de parvenir à un accord régional complet » (article 106).

Selon l’UE, l’APE témoignerait des concessions qu’elle aurait faites à l’AO par rapport à ses positions initiales.
Il prévoit  en  effet  l’élimination  des  droits  de  douane  ouest  africains  figurant  sur  75  %  des  lignes  tarifaires11. Mais si on  se  base  sur  la valeur  des  marchandises  européennes exportées  correspondant  à ces  lignes,  la  libéralisation atteint 82 %12. La mise en œuvre de cette décision est prévue sur 20 ans, en 3 étapes. Cependant, l’essentiel de la libéralisation aura lieu en 15 ans, les 5 dernières années ne  concernant  qu’une  poignée  de produits.  Bref, l’UE  a obtenu ce qu’elle exigeait au départ.
Mais pour entrer en vigueur, le paraphe de l’APE ne suff it  pas.  Il  doit  encore  être  signé  puis  ratifié,  généralement après un vote des parlements en AO et en Europe.



 “ AVEC L’APE, L’AFRIQUE DE L’OUEST AURA MOINS DE MARGE DE MANŒUVRE POUR AMÉLIORER LES CONDITIONS DE VIE DE SA POPULATION

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Konate
 Sery
Borya

Activiste
Panafricain

Steve Biko, la conscience noire

Le 12 septembre 1977, à 31 ans, Steve Biko mourait, seul, dans une cellule de la prison centrale de Pretoria (Afrique du Sud), d’une lésion cérébrale. La photo de son cadavre gisant à même le sol, nu, couvert de plaies et d’ecchymoses fit le tour du monde grâce au journaliste britannique qui fut aussi son ami, Donald Woods, auteur de sa biographie la plus complète (1979). Arrêté le 21 août à Port Elisabeth, près de sa ville natale où il était assigné à résidence après des mesures de bannissement, Biko fut amené dans les locaux de la police de sécurité de la ville et interrogé à son quartier général. Roué de coups à plusieurs reprises, enchaîné et totalement dévêtu, il était dans un état déjà très grave le 7 septembre, reconnaîtront plus tard les autorités dans un rapport qui accuse les médecins de n’avoir pas décelé les « lésions neurologiques » causées par « une chute accidentelle »... Il fallut attendre le 11 septembre pour que l’on recommande son transfert immédiat à l’hôpital. La police choisit celui de Pretoria, 1 200 km plus loin. Dans un état comateux, Steve Biko fut transporté jusqu’à la capitale dans l’arrière d’une jeep, toujours nu, à même le plancher. Son décès, pour lequel les autorités donnèrent jusqu’à huit versions différentes, fut constaté le lendemain.
Le leader charismatique du mouvement de la Conscience noire devint alors le symbole de la résistance contre l’apartheid, un des grands martyrs d’Afrique du Sud. Sa renommée atteint l’Occident — où chansons et film à succès lui furent consacrés — dépassant largement celle de Nelson Mandela à l’époque. Les liens de ce dernier avec le Congrès national africain (ANC), organisation taxée de « marxiste », voire de « pro-soviétique », avaient considérablement réduit, guerre froide oblige, les cercles qui relayaient en Europe et plus encore aux Etats-Unis la campagne de l’ANC pour la libération de celui qui allait devenir une icône mondiale à la fin des années 1980.
Né en 1946 à Ginsberg, une township noire près de King William’s Town (Eastern Cape), Stephen Bantu Biko grandit dans une atmosphère de révolte : son père Mzimkhayi fut tué par un policier blanc lors d’un rassemblement militant le 12 septembre 1951. Après une scolarité marquée par des actes de défiance et d’insoumission qui lui valurent d’être expulsé du secondaire, Biko fit ses premières armes politiques à l’université de Durban, où il put s’inscrire dans la section « non européenne » de la faculté de médecine. Actif dans un premier temps au sein du syndicat des étudiants crée par les Blancs libéraux, l’Union nationale des étudiants sud-africains (National Union of South African Students, Nusas), Biko décida en 1969 de fonder, avec d’autres étudiants noirs, l’Organisation des étudiants sud-africains (South African Student Organisation, SASO), dont il prit la tête. La critique du paternalisme blanc, la question de l’émancipation des noirs et de leur prise de conscience, sont désormais au cœur de son discours.
Fortement inspirée par le mouvement noir non violent des Etats-Unis et comme lui influencé par la culture chrétienne, la Conscience noire — concept élaboré en 1967 par le Mouvement de l’Université chrétienne, groupe non racial et œcuménique — prend alors son essor, et conquiert surtout un public de jeunes, plus radicaux que leurs camarades de l’ANC dont la lecture non exclusivement raciale du conflit leur paraissait une prédisposition au compromis. Pourtant, ce qui était devenu le Mouvement de la conscience noire (Black Consciousness Movement, BCM) maintint sa posture non violente. Et choisit de transcender le champ politique direct, en agissant sur le terrain au travers de projets éducatifs, culturels ou sociaux. Ainsi faisant, il mena en réalité une puissante campagne de politisation : « Le principe de base de la Conscience noire est le rejet par l’homme noir du système de valeurs qui veut faire de lui un étranger dans son propre pays et qui détruit jusqu’à sa dignité humaine », affirmait Biko en 1976. Plus tôt, dans un discours à Cape Town en 1971, il avait lancé : « L’arme la plus puissante dans les mains des oppresseurs, est la mentalité des opprimés ! » « Pour commencer,avait-il expliqué à un journaliste britannique, il faut que les Blancs réalisent qu’ils sont seulement humains, pas supérieurs. De même les Noirs doivent réaliser qu’ils sont aussi humains, pas inférieurs... »
Cependant, et contrairement au PAC dont la doctrine de l’« Africanism » insistait sur la primauté des valeurs traditionnelles africaines, la création d’un Etat centré sur l’identité africaine, ou encore la mobilisation des Africains en tant que nation (Azania), le BCM de Biko envisageait, à terme, un Etat où la majorité noire aurait certes assumé le rôle dirigeant qui lui revient par la démographie et l’histoire, mais dans un contexte politique et institutionnel non racial. Lucide. Comme lorsque, trois mois avant sa mort, il déclarait : « Soit tu es vivant et fier, soit tu es mort, et quand tu es mort, tu ne peux plus t’en soucier. Ta façon de mourir peut elle-même être une chose politique (...) car si je n’arrive pas dans la vie à soulever la montagne de l’apartheid, l’horreur de la mort y parviendra sûrement. »
Son lâche assassinat suscita une telle indignation internationale que le Conseil de sécurité procéda enfin au renforcement de l’embargo sur les armes décrété en 1963, qu’il avait refusé après la répression sanglante de la révolte de Soweto une année auparavant. Comme le déclara Mandela lors de son élection en 1994 : « Biko a été le premier clou dans le cercueil de l’apartheid


Konate 
Sery 
Borya 
activiste panafricain