dimanche 5 mars 2017

A qui profite l’Accord de partenariat economique entre l’Afrique de l’Ouest et l’Union europeenne ?

« Le commerce, c’est le développement »1  affirme  la Commission  européenne  à  propos  des  Accords  de  partenariat économique (APE).

Mais l’APE négocié entre l’Afrique de l’Ouest (AO) et l’Union européenne (UE), qui met en  relation  une  des  régions  les  plus  riches  de  la  planète avec une des plus pauvres, est-il vraiment cohérent avec le développement de l’AO ? C’est à cette question que ce document  cherchera  à répondre,  en mettant   l’accent  sur l’agriculture, un secteur clé pour l’AO.

Les APE : de quoi s’agit-il ?

Jusqu’en 2000, dans le cadre des Conventions de Lomé avec  les  pays  d’Afrique,  des  Caraïbes  et  du  Pacifique (ACP),  l’UE  accordait  aux  exportations  d’AO  un  accès presque totalement libre au marché européen, pour contribuer  à  son  développement  grâce  au  commerce.  De  leur côté, les Etats d’AO n’avaient aucune obligation d’offrir ces mêmes avantages à l’UE.

Mais ces préférences commerciales unilatérales sont contraires aux règles de l’OMC adoptée en 1994. L’OMC prévoit, en effet, la possibilité de créer des zones de libreéchange, par exemple entre l’UE et l’AO, ce qui implique que les préférences deviendraient réciproques et que l’AO devrait offrir un traitement préférentiel à l’UE. Cependant, pour maintenir des préférences unilatérales, l’UE aurait pu demander une dérogation à l’OMC, comme elle l’a fait pour la Moldavie car, explique-t-elle : « la Moldavie est le pays le plus pauvre du continent européen (…) et n’a pas la compétitivité nécessaire pour prendre des engagements de réciprocité dans un accord de libreéchange avec l’UE »
2. L’UE refusera d’accorder ce traitement à l’AO.

Cette  décision  de  l’UE  explique  le  contenu  de  l’accord de Cotonou, qui a succédé à celui de Lomé en 2000 et prévoit les négociations d’APE. Initialement, elles devaient
conduire, avant le 31/12/2007, à la création de zones de libre-échange entre l’UE et 6 régions ACP, dont l’AO. En application du principe de réciprocité, l’UE demandait à l’AO d’ouvrir son marché aux produits européens à 80 % sur une période de 15 ans, en échange d’une ouverture du marché européen à 100 % aux produits de l’AO.

 Mais les  règles  de  l’OMC  dans  ce  domaine  permettent  des  interprétations tenant mieux compte des énormes différences de développement entre les partenaires. L’UE aurait pu accepter l’ouverture à 60 % sur 25 ans3, proposée par les pays de l’AO. Elle ne l’a pas fait. Par ailleurs, durant les négociations, l’UE est allée bien au-delà des règles de l’OMC en matière de libéralisation, en ajoutant aux marchandises, des secteurs tels que les services,  les  investissements  et  les  marchés  publics.  L’AO s’est opposée à cela. Elle souhaite conserver sa liberté de protéger ces secteurs de la concurrence de l’UE. En outre, 12 des 16 Etats de l’AO4  appartenant au groupe des Pays les moins avancés (PMA), ils n’ont aucun intérêt à conclure un APE5. Comme il s’agit des pays les plus pauvres de la planète, l’UE leur accorde des préférences commerciales unilatérales dans le cadre du régime « Tout sauf  les armes  », qui  leur  offrent un  libre  accès au  marché de  l’UE,  sans  les  obliger  à  libéraliser  leurs  marchés  vis-àvis des importations européennes.

Cela  explique  pourquoi,  fin  2007,  l’UE  n’a  pas  obtenu d’APE régional, mais seulement le paraphe d’APE intérimaires6  limités au commerce des marchandises, avec deux pays non PMA : la Côte d’Ivoire et le Ghana.

Ces APE  ont  été  paraphés  suite  à  de  fortes  pressions  de l’UE, dénoncées par le Conseil des ministres ACP  7. L’UE avait menacé les ACP non-PMA de leur faire perdre le libre accès au marché européen et de leur appliquer le système généralisé de préférence. Ce système, accordé aux autres Pays en développement non PMA, est certes plus  favorable  que  celui  dont  bénéficient  les  Pays  développés.

  Mais  par  rapport  à  l’APE,  il  rétablit  le  prélèvement de droits de douane sur leurs exportations vers l’UE. Suite au paraphe des APE intérimaires, l’UE a continué à  accorder  à  la  Côte  d’Ivoire  et  au  Ghana  un  libre  accès au marché européen. En revanche, ces pays n’ont pas f inalisé  la  procédure  permettant  à  ces  APE  intérimaires, conclus bilatéralement avec l’UE, d’entrer en vigueur. En effet, les négociations se poursuivaient en vue de parvenir à un accord régional avec l’ensemble de l’AO.

Dans ce cadre, l’UE aurait pu reprendre la proposition des ministres  du  commerce  de  l’Union  africaine8  et  considérer l’AO  comme  une  région  PMA.  L’AO  aurait  ainsi  bénéficié du régime « tout sauf les armes » sans avoir à conclure d’APE.  L’UE  a  préféré  fixer  une  nouvelle  échéance  pour  la f in  des  négociations,  en  menaçant  de  retirer  le  libre  accès au marché européen aux ACP non PMA qui n’auraient pas pris les mesures nécessaires à la mise en œuvre de l’APE avant le 1er  octobre 2014.

L’APE  entre  l’Afrique  de  l’Ouest  et  l’UE  :  où  en  eston ?


Suite à cette menace, les hauts-fonctionnaires Ouest africains  chargés  des  négociations  ont  fini  par  parapher  un APE régional avec l’UE, le 30/06/20149.

L’APE est limité aux marchandises. Il inclut cependant une clause « de rendez-vous » pour les autres sujets, indiquant que « 6 mois après la conclusion10  du présent Accord, les Parties conviennent d’une feuille de route précisant le calendrier et les modalités » des « négociations en vue de parvenir à un accord régional complet » (article 106).

Selon l’UE, l’APE témoignerait des concessions qu’elle aurait faites à l’AO par rapport à ses positions initiales.
Il prévoit  en  effet  l’élimination  des  droits  de  douane  ouest  africains  figurant  sur  75  %  des  lignes  tarifaires11. Mais si on  se  base  sur  la valeur  des  marchandises  européennes exportées  correspondant  à ces  lignes,  la  libéralisation atteint 82 %12. La mise en œuvre de cette décision est prévue sur 20 ans, en 3 étapes. Cependant, l’essentiel de la libéralisation aura lieu en 15 ans, les 5 dernières années ne  concernant  qu’une  poignée  de produits.  Bref, l’UE  a obtenu ce qu’elle exigeait au départ.
Mais pour entrer en vigueur, le paraphe de l’APE ne suff it  pas.  Il  doit  encore  être  signé  puis  ratifié,  généralement après un vote des parlements en AO et en Europe.



 “ AVEC L’APE, L’AFRIQUE DE L’OUEST AURA MOINS DE MARGE DE MANŒUVRE POUR AMÉLIORER LES CONDITIONS DE VIE DE SA POPULATION

Suite à la prochaine parution

Konate
 Sery
Borya

Activiste
Panafricain

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